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Des gradations dans le métro parisien

nov 8, 2012   //   by flash   //   Les Humeurs  //  No Comments

Prendre le métro, c’est comme se remettre avec son ex. C’est pratique et on prend plaisir à l’emprunter. Mais l’enthousiasme du début se fracassera progressivement devant la multiplication des « problèmes techniques », « régulations » et autres « accidents de voyageurs ». En attendant de changer, il faut prendre son mal en patience, attendre que cela passe et améliorer ses techniques d’esquives. Car dans le métro, comme avec ton ex, vaut mieux avoir quelques techniques en stock pour s’en sortir. A ce jeu-là, tout le monde n’a pas le même niveau. Petit panorama.


La ceinture blanche, le néophyte couillon

Niveau zéro de l’orientation de sous-sol, la ceinture blanche est la population la plus rependue dans le métro parisien. C’est une foule de sombres couillons qui regroupe touristes, enfants, et autres arriérés dont le QI n’excède que rarement la somme de toutes ses lignes (105). Facilement reconnaissable à son air peureux, ses yeux écarquillés et son plan RATP dans la main gauche, la ceinture blanche a la fâcheuse habitude de rester planter des plombes devant des panneaux directionnels soudain devenus aussi difficiles à déchiffrer qu’un sms de manchot pinté. A leur vue, la ceinture blanche est prise de suées et d’une étrange déficience intellectuelle l’empêchant de discerner la droite de sa gauche que même le système de couleurs mis en place pour aiguiller japonais, kodaks et autres chinoiseries se révèle inefficace. Une fois arrivé dans la rame (généralement après avoir demandé 2 fois son chemin pour être sûr), le constat n’est guère plus reluisant. En effet, la ceinture blanche est alors atteinte d’une (nouvelle) phobie, celle de manquer sa sortie. Scrutant son plan toutes les 5 secondes environ, regardant tantôt à droite, tantôt à gauche telle une autruche sous cocaïne, la ceinture blanche se tient toujours au milieu de la rame, face à la porte, prêt à sortir en hâte dès qu’il aura eu la confirmation orale d’un autochtone que c’était bien là, sa putain de sortie (l’annonce de l’hôtesse n’ayant pas finie de le rassurer). Ignorant les principes de la convention « de Poissonnière » qui régit les us et coutumes du lieu, la ceinture blanche rechigne à s’accrocher par manque de compréhension de l’utilité des barres (de fer) qui l’entourent. Cela lui vaudra quelques chutes de freinages et de sincères sourires condescendants de la part des autochtones qui ne l’aideront évidemment pas à se relever.

La ceinture jaune, le vieux bagarreur

La ceinture jaune n’est pas chinoise. Cela ne l’empêche pas d’en tenir une sacrée couche. En effet, la ceinture jaune est un vieux, ou pire encore, une vieille, qui ferait peut-être mieux d’en porter. De couches. Car son absence provoque chez elle une fièvre belliqueuse qu’on ne lui soupçonne guère. Armée de son bâton (sa cane), la vieille peut vite devenir totalement incontrôlable. Avec sa scoliose bagarreuse, elle n’hésitera pas à instant à vous traiter de gredin ou de fripouille si vous n’avez pas eu la présence d’esprit de vous lever de votre place, de vous excuser, de lui proposer la place, de vous ré-excuser et de lui souhaiter une bonne continuation. Aussi bruyant que le mendiant-qui-s’appelle-henry-qui-a-26-ans-et-que-ca-fait-que-vous-auriez-pas-un-ticket-restautant, le vétéran querelleur vous délogera ainsi de toutes les places assises de sorte que si j’étais vendeur de vessie artificielle, j’y laisserais des tracts présentant mon activité. Reconnaissable à son à son odeur fruitée de désodorisant de toilettes publics, la fuite est la seule attitude raisonnable devant la ceinture jaune. Toute imprudence se verra sanctionnée d’un bonjour et d’une conversation (monologue) sur votre ressemblance avec ses petits enfants. En cas de refus d’obtempérer, le vieux ne rechignera pas à chercher bataille, spécialement aux femmes enceintes à qui il réserve ses plus beaux arguments. Il évoquera alors son âge, son droit au respect, la disparition de valeur et s’il n’a pas raté Motus, sa participation à l’effort de guerre. Son attitude laissera évidemment pantois l’assistance, qui tout en se gardant bien de prendre position, ne pourra généralement s’empêcher de penser que si le vieux avait affiché la même combativité en 1939, cela n’aurait pas été tout à fait la même histoire.

La ceinture orange, le néo-parisien

La ceinture orange est un néo-parisien, c’est-à-dire un provincial quittant le chômage et l’alcool pour venir s’installer dans un 17m² sur Paris et participer à un exercice de barbarie de sous-sol grâce au remboursement de la moitié de la carte Navigo que lui accorde son employeur. Certes volontaires, la ceinture jaune est encore en phase d’apprentissage. Ce n’est pas parce qu’on a le permis que l’on sait déjà conduire (sobriété). Mais çà, la ceinture jaune n’en a cure et affiche l’arrogance de celui qui (croit avoir) réussi sa première fois. Sous prétexte d’un trajet réussi, la ceinture jaune s’enorgueillira d’un « c’est pas si terrible après tout le métro » devant des collègues qui se moqueront intérieurement d’une telle naïveté toute provinciale. L’autochtone sait que la ceinture jaune n’en est qu’à ses premières heures de souterrain et que rira bien qui rira le dernier petit con.  Ce que la ceinture ne dira pas en revanche, c’est qu’il passe 10 minutes chaque jour sur internet pour vérifier son itinéraire et ne pas se trimbaler avec le plan du métro. Il ne dira pas non plus qu’il passera ces premières semaines à se faire « pfff-iser » à longueur de trajet pour ne pas  respecter les règles élémentaires de progression en ligne droite, de priorité aux gens qui montent (oui,oui à Paris, c’est comme ça) et de non-sourire dans la rame. On reconnaît ainsi la ceinture orange à son air navré -il vient de se faire souiller verbalement- ou alors à son air contrit -il s’aperçoit qu’il doit remonter toute la station car sa sortie se trouve de l’autre côté.

La ceinture verte, le mendiant capitaliste

La ceinture verte est un mendiant qui pratique la quête à la ligne. Pauvre, la ceinture verte est néanmoins dotée d’un esprit entrepreneurial fort. En effet, il faut quand même être un sacré capitaliste pour transformer un ennuyeux trajet (entre son foyer et l’ANPE) en une source pérenne et non imposable de revenus. Un brin égocentrique, la ceinture verte ne manquera jamais l’occasion de signaler sa présence dans la rame sans jamais, ne serait-ce qu’un instant, se soucier de la quiétude des passagers. Maîtrisant une palette de techniques commerciales, la ceinture verte pourra successivement pousser la chansonnette avec un instrument désuet (l’accordéon ?!), vendre des cartes du métro antidatée « made in China », ou compter sa tragique histoire-qui-s’appelle-henry-qui-a-26-ans-et-que-ca-fait-que-vous-auriez-pas-un-ticket-restautant. Afin d’attendrir définitivement les passagers, un chien atteint d’une maladie incurable, un enfant paralytique ou un moignon bien placé accompagnent généralement le quémandage de la ceinture verte. Pas dupe de ce petit manège commerçant, les passagers resteront généralement insensibles à la main tendue du prolétaire (prétextant que merci, j’ai déjà vu ce spectacle et qu’en plus j’ai donné au téléthon l’an dernier).


La ceinture bleue, l’aveugle ninja

La ceinture bleue est un aveugle, soit la seule personne qui se ballade avec des lunettes de soleil dans le métro. La ceinture bleue fait preuve d’une dextérité admirable, bigle d’yeux ! Maniant sa canne comme un sabre jedi, elle dégomme à vue (façon de parler) les demeurés de ceinture blanche qui se mettent sur son passage. Sa capacité à ne pas se perdre dans les stations et à monter dans une rame pleine démontre également que la ceinture bleue a d’autres qualités que le piano. Profitant à plein de la compassion qu’il sait citer, l’aveugle s’octroie les places assises en jouant à plein sur son invalidité. Il fait ainsi croire au généreux donateur, désormais debout, que sa cécité s’accompagne d’une myopathie naissante qui l’oblige à s’asseoir entre les trajets. Aussi n’a t-on encore jamais vu personne envoyer valser un chien d’aveugle qui aimait un peu trop l’odeur fruité d’une paire de mocassins. Nota bene pour la ceinture blanche, si vous recevez 3 petits tapements successifs sur la jambe, ne relevez pas la tête l’air outré (il n’en verra rien) car il s’agit peut-être d’un louchard qui tâte le terrain. De même, rien ne sert de lui donner une pièce, il ne chantera pas.

La ceinture marron, le parisien acariâtre

La ceinture marron est un parisien. Un vrai. De celui qui connaît toutes les lignes et les stations par coeur. De celui qui affiche une mine sombre à l’agressivité à peine rentrée, prête à en découdre à la moindre incartade. Passer sa jeunesse à arpenter des lignes surpeuplées d’autistes n’est pas un chemin vers l’épanouissement et encore moins un vecteur d’humanisme. Au contraire, le métro, c’est comme une tournante, il fait sombre et tu y perds quand même souvent ta dignité. Pour se venger d’une jeunesse envolée trop vite (au contact d’Emile, 20 ans de prison pour exhibitionnisme plus précisément), le parisien a développé au fil des années nombre de techniques, qui le font passer pour une ordure auprès du monde extérieur. Son entrée en rame blindée est à montrer dans toute les écoles de rugby. Son air hautain, mélange de distance et de dégoût, dans toute les écoles d’enculés. Une fois dans la rame, le parisien est un expert en carottage de place. Stimulée comme une fouine hypoglycémique, le parisien ne trouve repos qu’une fois son oignon posé sur un siège. Il savourera alors en silence sa victoire sur tous ces crétins debout qui l’entourent. Contrairement à une légende provinciale, le parisien est peu adepte de la violence verbale avec ces acolytes de rame. S’il maîtrise les rudiments de la vulgarité, il use en général de son arme fatale pour régler les conflits en silence : l’assassinat du regard. Sorte d’humiliation ophtalmologique, elle aplatira le malheureux destinataire en un clin d’oeil (…). Elle pourra éventuellement s’accompagner d’un « tssss » ou d’un « pfffff » qui feront office d’exécution. En inspirant cette crainte aux autres passagers, le parisien entretient sa légende. Sans lui (et sans ses couloirs senteur urine), le métro perdrait de superbe. Sans lui, ça serait surtout un foutoir sans nom.

La ceinture noir, l’élu du Navigo

La ceinture noir est un psychopathe de wagon, triple vainqueur du Navigo d’Or qui distingue chaque année les passagers les plus méritants. Il est très rare de croiser une ceinture noire d’autant que qu’elle se fait aussi discrète qu’une bonne idée dans le cerveau de Jean-François Copé. Au contraire des autres usagers, la ceinture noire respire la sérénité et prend plaisir à voyager dans l’obscurité. La ceinture noire ne subit jamais les bousculades. Ni de crampes de mollets. Pour la simple et bonne raison qu‘elle arrive toujours à s’asseoir. Que ce soit dans la ligne 1 ou 13 en période de pointe ou que le wagon soit blindé de grabataires chicaniers, la ceinture noire sera assise, trônant tel un Cléopâtre de sous-sol. Observateur et fin tacticien, le Néo du Navigo repère les gens susceptibles de sortir grâce un théorème infaillible : sortie = (habits + chaussure + couleur de peau) -âge/station. Avec ce coup d’avance, il écartera sans effort la concurrence. En cas d’égalité avec un prétendant au siège, il chassera l’inconscient osant le défier d’une clé de bras ou d’un rapide balayage. La ceinture noire sait également où se placer dans la rame pour se retrouver pile en face de sa sortie et ainsi éviter d’user ces chaussures et son quadriceps fémoral. Ben oui, comme souvent avec les surdoués, c’est une sacré feignasse.